Extrait de l'article "Toyota City" du Laboratoire Urbanisme Insurrectionnel :
« Toyota aurait décidé de s'implanter dans la préfecture d'Aichi où se trouve Koromo, car les habitants de la région et de la capitale régionale Nagoya, ville industrieuse, étaient à cette époque réputés économes, à la différence d'Osaka, ville commerçante, et de Tokyo, métropole internationalisée. Bien plus, le chef militaire Tokugawa Ieyasu, dont la famille régna sur le Japon lors de la période Edo (1603-1868), est parti de cette région. Installer ces usines en rase campagne signifiait également d'employer des ruraux qui au Japon, à cette époque, n'étaient pas imprégnés des idées subversives et communistes des travailleurs des grandes villes. Le clan Toyoda préférait s'appuyer sur une main-d'œuvre locale, qualifiée, disciplinée et économe.
Koromo, bourg rural fortifié, producteur de soie entame alors sa transformation en une « ville industrielle moderne ». Le bourg est cependant bien desservi par des moyens de transport ferroviaire et dispose d'une alimentation en électricité. Le maire de Koromo accepta cette implantation comme une très bonne opportunité pour sortir de la crise, amorcée depuis 1930. Malgré des difficultés pour convaincre les 180 propriétaires terriens concernés par ce rachat, le maire y parvint. Une première usine fut construite en 1935 en plein champs. Toyota se développa en produisant essentiellement des camions pour l'armée japonaise, cette dernière se préparait à la Guerre sino-japonaise qui survient en 1937. De 1937 à 1945, Toyota s'est développé en tant qu'industrie militaire dans le régime national de guerre contrôlé par l'Etat impérial.
L'implantation de la première usine et du siège de Toyota à Koromo a apporté quelques changements brutaux à sa structure démographique et industrielle. Au niveau démographique, l'effet de l'implantation était déjà net : si, de 1920 à 1935, l'augmentation du nombre d'habitants restait faible (de 11.924 à 14.256, soit 19.5%), celle de 1935 à 1940 était de 44.7% (de 14.256 à 20.629). Le bourg rural dont l'activité était la production de soie, devient progressivement une ville-usine. Le nombre de foyers dont des membres sont employés dans l'industrie Toyota passe de 3.6% à 20.5% entre 1933 à 1939. A l'inverse, le déclin du secteur des vers à soie fut amorcé : diminution du chiffre d'affaires de 50 % entre 1936 et 1939. Cette chute est non seulement liée à la crise de 1929, mais également au régime national de guerre qui contrôlait l'économie en restreignant les «industries pacifiques (heiwa sangyô)», à savoir celles non militaires».
La croissance de Koromo s'accélère en 1960, et le caractère rural de son territoire cède la place à une ville industrielle, jeune, active et ambitieuse. De 1955 à 1965, Toyota se constitue en une « ville de l'entreprise unique (tanitsu kigyô toshi) » avec l'effondrement des industries artisanales locales. Quelques chiffres nous permettent de constater un développement brutal et considérable de l'industrie automobile par Toyota à Koromo : de 1955 à 1964, le nombre d'entreprises liées à Toyota passe de 634 à 875; le nombre des usines augmente de 208 à 313 à Koromo ainsi que dans deux villages voisins (Takahashi et Kamigô). Le taux croissance démographique entre 1950 et 1975 fut le plus élevé du Japon : 777.5%, de 30.000 à 250.000 habitants. En 25 ans, Koromo s'est métamorphosé d'un petit bourg rural inconnu à une ville industrielle de taille moyenne : Toyota City ; qui constitue un exemple typique des villes généralement appelées, avec une connotation ironique par leur forte dépendance à une seule industrie, sous le nom de « bourg fortifié par l'entreprise (kigyô jôka-machi) ».
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