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Pete Brock conçoit la Samurai pour participer à des courses d'endurance comme le Grand Prix du Japon 1967, voir les 24H de Mans. C'est un prototype de Groupe 6 à la ligne très élancée. Plusieurs idées innovantes sont appliquées à l'auto. L'aileron arrière intégré peut être commandé depuis le poste de pilotage afin de modifier la portance sur le train arrière. Le radiateur de refroidissement est placé dans le museau et le flux d'air est canalisé pour ressortir à la base du parebrise. Des prises d'air intégrées au capot moteur sont positionnées derrière les vitres latérales. Les portes en élytre, à la manière de l'Alfa Romeo 33 Stradale, sont conçue pour être facilement détachables.

L'idée de Brock est de montrer à Hino qu'il existe une alternative aux carrossiers italiens pour construire une voiture stylée. La Samurai est construite en Californie. Le châssis tubulaire est fabriqué chez Red LeGrand. La carrosserie est façonnée en aluminium par Troutman-Barnes, un constructeur renommé de voitures de course. Seuls le parebrise et le moteur sont d'origine japonaise, c'est le 1300 cm3 de l'Hino Contessa en configuration Groupe 2. Il est placé en position centrale arrière. Monté de deux carburateurs Mikuni/Solex, il donne 110 ch à 6800 t/min pour une voiture de 530 kg seulement. Une boîte de vitesse Hewland à cinq rapports et un embrayage Porsche transmettent la puissance aux roues arrière.

Elle fait sensation à sa présentation en 1967. Elle apparaît dans bon nombre de revues spécialisées et fait même la couverture du magazine Road & Track de novembre 1967.

La Samurai arrive au Japon, Toshiro Mifune, acteur internationalement connu (Les 7 Samouraïs) se porte manager honoraire du team. Brock se présente le 2 mai 1967 au circuit de Fuji, . La voiture est examinée par la JAF (Japan Automobile Federation) et elle est refusée au contrôle technique. La raison officielle invoquée est qu'elle ne respecte pas la garde au sol minimum requise de 10 cm en raison du carter d'huile trop bas. Brock a toujours affirmé que c'était en fait une manipulation de la part de Toyota qui était en pourparlers pour l'achat d'Hino. Toyota n'aurait pas voulu que leur future acquisition les éclipse dans une course dont ils ont volontairement tiré leur épingle du jeu.

Maintenant il existe plusieurs versions de l'histoire originale de la non-qualification de la Samurai à Fuji. Selon le site hinosamurai.org appartenant à Satoshi Ezawa, le propriétaire actuel de la voiture, la non-conformité de l'auto était réelle et la décision des commissaires de la JAF était justifiée (2007, mis à jour 2019). Non seulement le carter d'huile utilisé était à moins de 10 cm du sol mais d'autres paramètres laissaient supposer que la voiture n'était pas prête à courir sur le circuit spécifique de Fuji. Le moteur manque de mise au point, comme le constateront les futurs propriétaires, il n'est pas préparé au virage surélevé. Aucun test préalable sur circuit n'a été effectué. L'auto semble plus être une très jolie étude de style qu'une véritable voiture de compétition.

Sur le site bre2.net (2022), Pete Brock raconte sa propre version des faits. Alors qu'il travaillait sur la réalisation de la Samurai, début 1067, un envoyé de Toyota lui rend visite pour s'informer de ce qu'il prépare pour Hino. Le Japonais, assez surpris, voit l'auto en préparation et apprend qu'elle va participer au prochain GP du Japon. Il revient une semaine plus tard et dit à Brock que Toyota n'a pas besoin de GT de course et qu'il doit arrêter le projet. Brock explique qu'il est en contrat avec Hino et que tant qu'il n'aura pas été payé pour le travail déjà effectué, il n'arrêtera pas. Manifestement, ce projet dérange Toyota et l'émissaire revient pour demander à Brock combien il veut pour arrêter. Les hommes se mettent d'accord sur le prix à payer et le Japonais promet de revenir avec l'argent.

Ne sachant pas très bien ce qui se trame, Brock continue à travailler sur la voiture en attendant de voir la couleur de l'argent. L'émissaire repasse chaque semaine mais jamais il ne donne l'argent. Brock termine la Samourai et l'expédie au Japon. Ce qu'il a appris bien plus tard, est que l'émissaire, ne connaissant rien aux voitures de course, et voyant l'auto en pièces détachées dans l'atelier, a rapporté à son supérieur que la Samurai ne pourra jamais être prête pour le Grand Prix. Le supérieur a alors gardé l'argent envoyé par Toyota, ne voyant plus de raison de payer Brock.

Lorsque Brock et Mifune arrivent à Tokyo avec la Samurai, les dirigeants de Toyota sont furieux. La raison est que Toyota est en négociation pour racheter Hino et que si Hino se présente au Grand Prix avec une telle voiture, pire, qu'elle remporte des points, les actions du petit constructeur vont s'envoler, obligeant le géant japonais à débourser des millions supplémentaires. Pour Toyota c'est clair, cette Samurai n'aurait jamais dû arriver au Japon. Et maintenant qu'elle est là, elle ne doit à aucun prix participer à la compétition.

Le Fuji Speedway appartient à Toyota. Ce dernier fait pression pour que la Samurai ne passe pas le contrôle technique. A chaque étape du contrôle, l'examinateur trouve un défaut que Brock et son équipe corrigent sur le champ. Au dernier poste, l'officiel refuse la voiture sans donner de raison. Il se fait incendier par Mifune et, perdant la face, laisse passer la voiture.

Lors des essais il s'avère que l'aileron apporte une telle portance que le bouclier arrière frotte parterre. Ce problème ne pouvant être résolu avant la course, Brock négocie avec Toyota qui ignore ce problème mais qui continue à mettre la pression pour que la voiture ne participe pas à la course. Il promet à celui qui doit devenir son futur employeur de ne pas prendre le départ du Grand Prix, mais uniquement de parader à vitesse réduite. Soulagé, Toyota lui confiera plusieurs projets... qui n'aboutiront pas.

On peut regretter de ne pas voir cette splendide auto affronter les Nissan R380 sur le circuit de Fuji, mais la polémique sur sa disqualification fait beaucoup parler d'elle au Japon et ailleurs, apportant toute l'attention sur le talent de Pete Brock. Hino est repris par Toyota cette même année et cesse la fabrication de voitures coupant court à l'éventuelle participation aux 24H du Mans. Du coup la Samurai ne participera jamais à aucune compétition avec Brock.

Plus tard on retrouve la Samurai en course sur le circuit de Riverside aux mains de Terry Hall. N'arrivant pas à tirer parti du moteur japonais, il est décu des performances de l'auto et la revend au pilote Ron Bianchi. Ron rencontre des difficultés à tuner le moteur pour en sortir une puissance suffisante. Après des essais infructueux, il décide de monter un team complet afin d'améliorer la voiture pour la rendre plus compétitive. De nouveaux arbres à cames sont réalisés, le châssis, les suspensions et les freins sont revus. Le châssis retourne chez LeGrand pour être optimisé. Toute la suspension arrière est revue. La Samurai est transformée pour devenir une gagnante. Elle est repeinte en blanc et les 4 saisons SCCA qui suivent sont fructueuses. Elle écume les circuits de Californie, remportant une quarantaine de podiums, gagnant 25 courses et deux championnats dans sa classe.

Un jour, Ron ne se sent plus à courir les circuits et prend sa retraite de la compétition. La voiture est stockée dans un box durant plusieurs années. Finalement Pete Brock rachète la Samurai. N'ayant pas le temps de s'en occuper, il la cède à Satoshi Ezawa, un Japonais qui restaure la voiture pour l'intégrer sa collection.

 

Pete Brock se faisant dire que la Samurai ne passe pas le contrôle technique pour le GP de Fuji 1967. De l'autre côté de la voiture, Toshiro Mifune s'apprête à demander des explications.

Ron Bianchi, SCCA 1968.

 
 

Références:

mycarquest.com The Hino (BRE) Samurai Race Car – Lost But Not Forgotten (by Ron Bianchi)
datsun.org The BRE Hino Samurai
bre2.net Broke Racing Enterprises
supergtworld.wordpress.com The Japan Grand Prix at Fuji
trussty.com The Samurai race car story from banned to be hero
autoweek.com American Samurai: The legend of Peter Brock’s unfulfilled racing masterpiece
hinosamurai.org Disqualification de Hino Samurai du contrôle technique : où est l'esprit samouraï ?

 

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